La France et le Mali se chamaillent à Dakar

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FORUM DE DAKAR SUR LA PAIX ET LA SECURITE EN AFRIQUE

Le coup de gueule du ministre Malien des Affaires étrangères contre la France

A ce rythme, les officiels maliens développent leur identité propre : cracheurs de vérités crues. Après le Premier ministre, par intérim d’alors (Colonel Abdoulaye Maïga, actuel PM) qui avait vertement critiqué le gouvernement français du haut de la tribune de l’ONU, c’est au tour de son concitoyen, le ministre des Affaires étrangères de profiter de la tribune offerte par le Sommet de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique pour balancer ses vérités à la face de la représentante de la France, Chrysoula Zacharopoulou, Secrétaire d’Etat chargée du développement et de la Francophonie.

Abdoulaye Diop, puisque c’est de lui qu’il s’agit, y a donc marqué les esprits. D’abord, par sa réponse musclée à la représentante de la France à cette rencontre. « Elle a fait, hier, une grande opération de relation publique mais qui manque de sincérité. C’était politiquement correct à entendre, mais c’est très loin de la réalité. Elle a indiqué que le régime, à Bamako, se bat pour sa survie. Je crois qu’un régime qui a une telle assise populaire n’a pas à s’inquiéter pour sa survie. La survie pour laquelle le Mali se bat, c’est la survie du Mali, en tant qu’Etat. Et la survie de l’Etat malien a été menacée parce que la France, à la tête d’une organisation internationale, est intervenue en Libye pour une opération dont on ne sait pas, jusqu’à aujourd’hui, l’objectif recherché. Qu’est-ce qui a été fait pour gérer le service après-vente et éviter qu’une opération étrangère ne finisse par une déstabilisation de l’ensemble de la région ? La survie dont on parle, c’est la survie de nos Etats», a déclaré M. Diop comme s’il s’adressait à Mme Zacharopoulou.

Le chef de la diplomatie malienne, a fait état d’une «défaillance géostratégique monumentale» pour expliquer ce qui a plongé son pays dans «ces problèmes. Jusqu’à aujourd’hui, personne n’assume la responsabilité. Ils sont venus pour empêcher la faillite de Bamako, oui nous le reconnaissons. Mais, vous venez faire le pompier après avoir allumé le feu. Je suis reconnaissant pour les morts français au Mali. Elle a parlé de 50, mais le Mali ne compte même pas ses morts civils ou militaires », a déclaré Abdoulaye Diop.

«Elle dit aussi que la France se bat pour la souveraineté des pays africains et qu’elle n’entend pas se substituer aux armées africaines. Je vous donne un exemple : d’abord, elle se substitue aux armées africaines parce que quand la France est venue pour aider le Mali à libérer notre territoire en 2013, il y a trois grandes régions dans le nord du Mali. On a libéré ensemble Gao et Tombouctou. Mais à 50 km de Kidal, l’armée française a stoppé nette l’armée malienne en disant que vous ne pouvez pas entrer à Kidal, sur notre propre territoire. Aujourd’hui, 10 ans après, l’armée malienne et l’Etat malien ne sont pas présents à Kidal. Depuis 10 ans, elle travaille au nord du Mali avec des groupes rebelles. Elle a choisi ses amis dans le pays. Ce n’est pas normal», peste le ministre malien.

«Elle dit encore qu’elle renforce la souveraineté des pays africains, mais le G5 Sahel, pourquoi le Mali est parti ? C’est parce que la souveraineté des pays n’est pas respectée. Le Mali est l’un des pays fondateurs du G5 Sahel. La France n’est pas membre, mais c’est elle qui a mis le véto pour que le Mali n’assure pas la présidence du G5 Sahel. Donc, je pense qu’on ne vient pas faire le libre-service pour parler pour faire plaisir aux uns et autres», lui a rétorqué Abdoulaye Diop qui ne s’est pas retenu pour lui crêper le chignon. «Les partenariats, pour être efficaces, il faut qu’ils se fassent dans la sincérité loin de tout réflexe colonial. Mais aussi il faut une approche gagnant-gagnant. Parce que ma conviction est que l’Afrique a besoin de ses partenaires pour se développer, pour assurer sa sécurité mais, certains de (ses) partenaires ont plus besoin de l’Afrique que l’Afrique n’a besoin d’eux. Donc, il faut que nous ayons confiance en nous-mêmes, (…) l’Afrique ne souhaite pas être un terrain de compétition pour quel que partenaire que ce soit. Chaque partenaire cherche son intérêt. Il appartient aux Africains de pouvoir se positionner pour développer leurs pays et tirer profit de ces partenariats. Ce que nous souhaitons, c’est de ne pas être un terrain de jeu pour les uns et les autres. Beaucoup aiment la richesse de l’Afrique mais ne donnent pas la même considération aux Africains», regrette le ministre.

«Quand les partenaires agissent avec nous, il faut que les intérêts vitaux des populations africaines soient au centre du débat avec nos partenaires. Les ressources qu’on présente comme étant les causes des instabilités sont, en réalité, nos principales richesses. Il faut changer le narratif. Pourquoi nous n’arrivons pas à utiliser cela ? C’est parce que nous avons un héritage colonial et néocolonial qui a du mal à partir. Et, nous avons souvent des partenaires qui sont dans une posture coloniale qui n’ont pas compris qu’il faut changer de logiciel pour travailler avec les Africains». Il faut «venir en partenaire. Avant la souveraineté, l’Afrique demande la respectabilité, le respect. Il faut travailler avec les Africains dans la dignité».

Les conditions du Mali pour renouer avec la France

Dans ses pavés sur le jardin des occidentaux, Abdoulaye Diop évoque la cruciale problématique du terrorisme. «Je suis convaincu qu’il y a des phénomènes qui sont créés pour mettre l’Afrique en retard. Pour ne pas nous permettre d’exploiter nos ressources. Pour ne pas nous permettre d’avoir la paix et la stabilité qui nous permettent de nous unir en tant qu’Africains. Beaucoup de partenaires sont dans des approches de prédation. Ils ont besoin d’instabilité pour pouvoir contrôler des élites et faire avancer leur agenda. Je crois que les postures néocoloniales ne vont pas aider», peste le ministre malien des Affaires étrangères qui appelle à l’unité des Africains. «Il est important pour l’affirmation de notre souveraineté qu’on puisse avoir un leadership vraiment africain. Je suis panafricaniste, mais aujourd’hui beaucoup de nos organisations sont instrumentalisées par ceux qui disent oui on soutient la CEDEAO, on soutient l’Union africaine. Souvent, c’est pour mieux les détruire. Il faut éviter les ingérences dans les politiques africaines», a-t-il dit pour conclure.

Après sa satire contre l’Hexagone, le ministre malien des Affaires étrangères a ouvert des pistes de réconciliation conditionnées entre la France et son pays. « Le Mali a souhaité que notre souveraineté soit respectée, que nos choix stratégiques et nos choix de partenaires soient respectés, et que les intérêts vitaux des Maliens soient pris en compte. Si ces éléments sont observés, le Mali n’a de problème à traiter avec aucun partenaire, y compris la France », a-t-il dit en marge du Forum dans des propos rapportés par France 24.

#AntaCheikhou_Koné

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