La crise multidimensionnelle que traverse la Tunisie continue de s’aggraver de jour en jour et les tensions sociales augmentent au milieu de multiples défis dont la baisse des réserves de devises et la crise politique qui fragilise le pouvoir du président Kais Saied.
En effet, les analystes prédisent que les semaines à venir risquent d’être intenables pour le président Kaïs Saied. Alors que le mois de Ramadan se profile à l’horizon, rien ne semble évoluer favorablement au niveau des pénuries qui touchent de nombreux produits alimentaires, mais aussi des médicaments. La Tunisie est également confrontée à une pénurie d’aliments de base. Cette semaine, la Libye, voisine frappée par une guerre civile depuis le renversement du régime de Mouammar Kadhafi en 2011 et dépourvue de gouvernement central, a envoyé des centaines de camions chargés de sucre, de farine et de plusieurs denrées alimentaires de base.
L’administration de Saied a également du mal à compléter le budget national à court de 2 milliards de dollars, mais les pourparlers avec le Fonds monétaire international pour le déblocage d’un prêt sont au point mort sur plusieurs conditions, notamment des réformes amères qui ont suscité la colère du puissant syndicat UGTT. L’Union a mis en garde contre les pires jours à venir.
L’Union et plusieurs organisations sociales ont rejeté le budget 2023 comme insupportable puisqu’il introduit de nouvelles taxes. Les Tunisiens sont également aux prises avec la flambée des prix des denrées alimentaires de base.
Le kilo de banane atteint 10 dinars à Tunis, provoquant le mécontentement des citoyens. Même le pain a augmenté dans certaines boulangeries. A Kairouan, certains n’ont pas hésité à augmenter le prix de la baguette à 350 millimes, contre 250 millimes auparavant.
A l’approche du mois de jeûne du Ramadan, la crainte monte que le pays soit confronté à une pénurie d’un million de litres de lait par jour. Le déficit s’élève déjà à 600 mille litres selon Anis Kharbeche, le vice-président de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP).
Et la situation ne devrait pas s’améliorer tant que le pays ne réglera pas son différend avec le FMI, puisque la source fondamentale des pénuries est le problème de disponibilité des ressources financières. En effet, de nombreux établissements tunisiens sont au bord de la faillite et n’ont donc pas les moyens de s’approvisionner.
Par ailleurs, l’économie tunisienne est marquée par une faible croissance, un déficit commercial record et un déficit budgétaire abyssal qui risque de s’aggraver au cours du premier trimestre de l’année en cours avec la baisse des dettes extérieures. A noter que le pays a une dette publique dont l’encours est estimé à 110 milliards de dinars (35,5 milliards de dollars), dont 66,2 milliards de dinars de dette extérieure. Pour l’exercice 2023, le service de la dette est estimé à 2,1 milliards de dollars, ce qui représente actuellement près du tiers des réserves de change du pays, qui ne couvrent qu’un peu plus de 3 mois d’importations de biens et services, contre 132 jours en 2022.
La baisse des chiffres reflète les tensions sociales et économiques en cours dans le pays dont les acquis démocratiques ont diminué sous Saied.
En fait, la Tunisie a encore sombré dans l’incertitude sociale et économique depuis le 25 juillet 2021 après que le président Saied s’est emparé de toutes les grandes puissances, limogeant le Premier ministre Hichem Mechchi et suspendant le Parlement dans une mesure qu’il jugeait importante pour « racheter le pays ».
Saied est désapprouvé par la quasi-totalité de l’opposition qui a exigé sa démission suite à la décision du 25 juillet 2021, qualifiée de coup d’État, et au faible taux de participation lors des législatives anticipées du 17 décembre. Lors du scrutin, 11% des électeurs ne se sont rendus dans les bureaux de vote que pour voter, a annoncé l’organe électoral indépendant après les élections.
L’opposition décrit le faible taux de participation comme un coup porté aux plans de Saied et appelle l’ancien professeur de droit à se retirer.
L’aggravation de la situation a incité l’ancien président Moncef Marzouki, en exil en France, à faire appel à l’armée pour retirer Saied qu’il avait décrit comme un débutant politique, incapable de gouverner le pays d’Afrique du Nord.
« Je rejette le pouvoir de l’armée, mais je suppose qu’il est du devoir des dirigeants de cette institution de renverser ce président illégitime et de remettre le pouvoir aux civils », a-t-il déclaré à Al Jazeera dans une récente interview.